Promoteur d'art
contemporain
- Le jeune patron
de l'internet s'investit dans les grandes expositions et les lieux de
création à Lyon.
- Il veut créer
un musée privé comme site de référence dans
l'image numérique.
THIERRY EHRMANN,
PDG du Groupe Serveur et d'Artprice.com, est devenu à trente-neuf
ans l'un des acteurs incontournables de l'art contemporain sur la place
lyonnaise et au-delà. Collectionneur par passion et érudit
intarissable sur les relations complexes passées et présentes
entretenues par les pouvoirs avec l'art, le jeune patron, qui a
fait fortune dans la nouvelle économie, s'est lancé depuis
peu sur la scène publique comme promoteur de l'art contemporain.
Ainsi, il est le partenaire de l'édition 2001 de la Biennale d'art
contemporain (BAC) à Lyon et a "sponsorisé" la
première exposition d'artistes aux Subsistances, le nouveau centre
de céation débridé de Lyon. Enfin, il était
présent à Paris Photo à la fin de l'année
dernière.
En un an, Thierry Ehrmann a contribué pour 6 millions de francs
(914.694 Euros) environ à ces évènements. Auxquels
s'ajoutent les acquisitions d'uvres (entre 3,5 et 5 millions de
francs par an) pour constituer sa collection personnelle. Un aboutissement
logique pour celui qui considère que "la carence du mécénat
a pour corollaire l'effondrement de l'art français sur la scène
internationale". A l'inverse, il cite comme modèle les
Etats-Unis, la Suisse et l'Allemagne : " la pédagogie à
l'art contemporain s'y exerce très tôt dès l'école
; en outre, les marchands et galeristes savent parler d'art à leurs
clients et jouent un rôle primordial dans la diffusion des oeuvres
".
Implication stratégique.
A sa manière, Thierry Ehrmann paie de sa personne, en son nom propre
ou via ses sociétés. Dans le cas d'Artprice.com, quand la
société leader de l'information sur le marché de
l'art accompagne la Biennale d'art contemporain, elle est dans son rôle
d'acteur direct sur son marché professionnel. Et son mécénat
vise clairement un retour d'image et de notoriété : "
notre implication est une condition indispensable au développement
d'une entreprise leader mondial ", observe Thierry Ehrmann. Pour
Groupe Serveur, l'intervention, plus désintéressée,
est nettement moins stratégique. Dans tous les cas, c'est en passioné
de l'art de longue date que le PDG des sociétés se lance
dans les aventures.
L'investissement
n'est pas seulement financier, il est aussi personnel. " Le
mécénat demande un travail énorme en amont, on n'achète
pas que des cadres", dit-il, conscient que la relation du
mécène à l'artiste "n'est pas seulement
un acte de tendresse mais un échange permanent vers une exploration
des extrêmes ". Du
soutien à l'artiste quand " il a le moral au plus bas
" à l'édition du catalogue en passant par le montage
de l'uvre. Cette confirmation, Thierry Ehrmann l'a expérimentée
il y a peu avec l'artiste Mathieu Briand. Il finance actuellement pour
1 million de francs une uvre vidéo en cours de réalisation
nécessitant une caméra thermique d'un coût de 240.000
francs. " On a trouvé ensemble la solution la moins coûteuse
pour ce type de matériel utilisé principalement par l'armée
", indique le mécène. S'il se défend d'intervenir
sur le contenu de l'uvre, il revendique de faciliter l'environnement
technique et financier de sa réalisation.
Une bonne équipe.D'ailleurs,
il refuse la notion de mécène omnipotent : " Je
ne crois pas au mécène isolé, le mécénat
est une coproduction favorisée par la communauté d'un acteur
économique, d'un ou plusieurs marchands-galeristes et d'un conservateur
de musée ou commissaire d'exposition. " Pour ce qui le
concerne, Thierry Ehrmann fait confiance à ses complices lyonnais,
Daniel et Marie Voyant, de la galerie Metropolis, et Thierry Raspail,
conservateur du musée d'Art contemporain et directeur de la BAC
à Lyon. Des conseils précieux pour éclairer dans
ses choix le patron de la nouvelle économie, très sollicité.
" Savoir dire
non. "
" Le mécène doit savoir dire non : chaque mois,
je reçois une centaine de propositions déjà filtrées
", déclare-t-il. Outre Mathieu Briand, Larry Beck et Greg
Semu figurent parmi les artistes actuels soutenus par Thierry Ehrmann.
Aujourd'hui, le mécène lyonnais, qui a eu sa " première
fascination " artistique à douze ans devant une sculpture
de César à Saint-Paul-de-Vence, passe à une nouvelle
étape.
Il travaille sur le projet de création à Lyon d'un musée
privé de la photo vidéo et de l'image numérique,
baptisé l'Organe, dont l'ouverture est prévue début
2003. Thierry Ehrmann investit 90 millions de francs dans un nouveau bâtiment
de plus de 5000 m2, dont 55 millions de francs environ pour l'achat et
la location d'uvres et de collections. Le modèle économique
prévoit d'équilibrer l'opération au bout de trois
ans en misant sur des uvres attirant un large public et susceptibles
de trouver leur place sur le marché.
Farouche partisan de l'Europe des régions, Thierry Ehrmann veut
tenter le pari d'une diffusion de l'art grand public en donnant "
une résonance supplémentaire " aux lieux culturels
lyonnais et aux événements qu'il contribue à promouvoir.
CLAUDE FERRERO
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