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L'industrie du troisième millénaire |
in Le Monde , 8 Février 2002
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Revue de Presse | L'hôtel des ventes Drouot est l'objet de toutes les convoitises | |||||||||||||
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Après le
retrait de Pierre Bergé, la société d'investissement
Barclays et le groupe Serveur se disputent les faveurs des 110 commissaires-priseurs
parisiens pour la reprise de la célèbre salle et de ses
journaux. L'arrivée de Sotheby's et Christie's contraint les professionnels
français à changer de dimension "DROUOT est un écosystème fragile, qui vivait en vase clos. On les transfère d'un aquarium d'eau douce à l'océan, et voilà le résultat." Le mot est d'un connaisseur, candidat au rachat d'une partie du marigot, Thierry Ehrmann. Le fondateur du groupe Serveur et de sa filiale Artprice.com (annuaire et base de données sur le résultat des ventes aux enchères) a réaffirmé, mercredi 6 février, sa candidature au rachat d'"@uction press", qui comprend la Gazette de l'Hôtel Drouot, le Moniteur des ventes et leur pôle Internet. Cette annonce fait suite à celle de Pierre Bergé, président de Yves Saint Laurent Haute Couture, qui a retiré, mardi 5 février, son offre de rachat de Drouot dans sa totalité. Pierre Bergé n'a pas désiré rentrer dans l'escalade financière que laissaient présager des offres concurrentes. Sa proposition de rachat était évaluée à 45,73 millions d'euros. La Barclays Private Equity (BPE), société d'investissement de la banque britannique éponyme, avait renchéri en proposant 68,6 millions d'euros. "Je me refuse, explique-t-il, à me laisser entraîner dans une surenchère qui aurait pour seule conséquence, à moyen terme, compte tenu de sa logique financière, le démantèlement et la vente par appartements de Drouot et de ses filiales." Il a donc annoncé la création de sa propre maison de vente, autour "d'un certain nombre de commissaires-priseurs". Si les 110 commissaires-priseurs parisiens font l'objet de tant d'attentions, c'est que Drouot, sa Gazette, ses locaux, et les 690 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés en 2001 sont bien séduisants. Selon Me Millon, un des meilleurs connaisseurs d'une maison qu'il a dirigée bien longtemps et tenté vainement de fédérer, "le label Drouot, tout le monde l'attend depuis quinze ans. C'est le moins cher sur le marché, et celui qui a la plus grosse marge de progression potentielle". C'est ce qui a attiré les banques d'investissement. Le prix proposé par Pierre Bergé a semblé bien bas à Olivier Millet, président du conseil de surveillance de la Barclays Private Equity, la filiale de capital-investissement de la banque britannique. Barclay's Private Equity est un capital-investisseur qui mise sur des entreprises moyennes parmi lesquelles ont figuré, ces dernières années, l'Eau écarlate, Fauchon, les Grands Vins de Gironde, les lampes Berger, les ceintures Gibaud, la Croissanterie, ou Courte Paille. Son modus operandi préféré est le leverage buy-out (LBO), le rachat avec effet de levier, une technique financière qui consiste à monter une holding qui s'endette pour racheter l'entreprise. "Notre proposition n'a pas changé depuis le début, et consiste à offrir 450 millions de francs [68,6 millions d'euros] pour l'ensemble Drouot SA, avec la reprise des baux des locaux de Drouot Richelieu, de Montaigne et de Paris Nord, le rachat de la Gazette et du Moniteuret les filiales Drouot Formation et Drouot Estimation. Nous proposons aussi depuis le début une ligne de financement de 20 à 50 millions de francs pour la rénovation de l'hôtel Drouot, pas forcément pour un grand projet du type Wilmotte [l'architecte qui fut chargé un temps de rénover l'hôtel Drouot], mais dans le but d'assurer un meilleur accueil des clients",explique Gonzague de Blignères, président de la filiale. Dans ce projet, les commissaires-priseurs sont invités à prendre chacun au maximum 1 % de la holding de tête qui rachèterait Drouot pour 1 million de francs, ayant reçu préalablement 6 millions de francs pour leurs parts dans l'actuel Drouot. Barclay's Private Equity prendrait 51 % du capital de la holding, recruterait un professionnel extérieur pour diriger Drouot, et assurerait le financement complémentaire de 400 millions de francs. Selon Gonzague de Blignères, "la majorité des commissaires-priseurs a donné son assentiment à notre offre, de façon informelle, et à notre connaissance, il n'existe pas d'autre offre globale". Mais d'autres voix susurrent les noms de Rothschild, ou Bernard Arnault, qui piafferaient à la porte. Et Pierre Bergé met en garde contre l'instabilité émotionnelle des commissaires-priseurs : "En quelques mois de négociations intenses et personnelles,déclare-t-il au Figaro, j'ai vu les mêmes commissaires-priseurs affirmer dans mon salon leur foi en mon projet et le mettre en pièces la porte à peine tournée." En 2001, l'ensemble Drouot a réalisé en location de salles, et ventes de journaux (La Gazette et Le Moniteur des ventes) un chiffre d'affaires de 150 millions de francs, pour un résultat avant impôts de 30 millions de francs (les commissions sur les ventes aux enchères sont directement encaissées par les commissaires-priseurs). Le groupe dispose par ailleurs d'une trésorerie de 140 millions de francs. A lui seul, le pôle presse a réalisé 110 millions de chiffre d'affaires. On comprend donc que l'intérêt de certains investisseurs se porte essentiellement sur cette activité."La Gazette n'est pas dissociable de notre offre", avertit M. de Blignères. D'ici à la fin du mois de février, la banque d'affaires de Drouot, Lazard, devrait donner une réponse à Barclay's et aux autres candidats éventuels. Du côté de Drouot, il n'est officiellement pas question de séparer la Gazette du pot commun. Du côté des commissaires-priseurs de province, qui assurent 70 % du flux de publi-information de la revue et sont exclus de ces tractations, la réponse est claire : ils iront annoncer ailleurs, dans des organes concurrents dont les formules sont déjà prêtes et qui seraient diffusés à l'échelon international. La mariée sera alors moins belle. Harry Bellet et Adrien de Tricornot "La Gazette" fait des envieux "@uction press", la filiale de Drouot qui édite La Gazette de l'hôtel Drouot, mais aussi Le Moniteur des ventes - un bi-hebdomadaire consacré aux ventes judiciaires qui contribue pour près d'un cinquième au résultat net de l'entreprise - fait l'objet d'une proposition de rachat du groupe Artprice. La Gazette, fondée en 1891 par un particulier, est propriété de Drouot depuis 1968. Elle a un tirage de 60 000 exemplaires, vendu pour moitié à des lecteurs de Paris et de sa région. Il ne s'agit pas d'un journal, au sens propre du terme. C'est un "gratuit-payant", alimenté par les annonces des commissaires-priseurs, qui bénéficient d'importantes réductions. Il ne jouit donc pas de la commission paritaire de la presse, qui autorise des frais réduits, en termes de routage notamment. En outre, les commissaires-priseurs y publient actuellement leurs publicités à des tarifs préférentiels. Si le journal voulait se conformer à la loi Sapin, il devrait tripler les montants qui leur sont appliqués. D'où la grogne des commissaires-priseurs de province, qui représentent 70 % des annonceurs, mais restent à l'écart des grandes manuvres qui se déroulent autour de Drouot.
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