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L'industrie du troisième millénaire

  in Beaux-Arts, avril 2002

 

Revue de Presse

L'HOMME QUI LORGNE «LA GAZETTE»

 

Nutrisco et Extinguo
... planifier l'introduction en bourse du Groupe Serveur tout entier avant la fin de l'année. Groupe dont le logo, une salamandre, symbolise l'éternité, se plaît à rappeler Ehrmann.

Mais qui est donc ce Thierry Ehrmann, richissime fondateur et directeur d'Artprice, venu hérisser le poil des commissaires-priseurs en voulant leur acheter la très juteuse Gazette de l'Hôtel Drouot ?

Audacieuse, la tentative par l'entrepreneur high-tech Thierry Ehrmann d'acheter le groupe @uctionpress de Drouot (la Gazette de l'Hôtel Drouot, le Moniteur des ventes et le service Internet de la salle des ventes parisienne) suscite presque autant d'émoi chez les commissaires-priseurs que la réforme du marché elle-même. A chaque proposition d'acquisition précédente, les commissaires-priseurs avaient résolument dit " non ". Ebranlés par la réforme du marché et les incertitudes qu'entraîne celle-ci, changeront-ils d'avis ? L'offre d'Ehrmann, comprise entre 20 et 26 millions d'euros, pourrait se greffer sur celle d'une banque - la britannique Barclays, par exemple - déjà candidate au rachat de Drouot. Se disant fort de l'appui de nombreux commissaires-priseurs de province (majoritaires dans le chiffre d'affaires de la Gazette), Ehrmann semble confiant. Il espère séduire leurs confrères parisiens, dont beaucoup se demandent comment financer la très importante caution bancaire exigée par la nouvelle législation. Et en mandatant la banque Lazard pour évaluer les effectifs, éléments par éléments, les commissaires-priseurs n'ont-ils pas reconnu implicitement que @uctionpress était à vendre ? " non ", réplique clairement, pour l'instant, Drouot. " Ce n'est même pas une aventure financière, c'est une provocation ", s'insurge Francis Briest, commissaire-priseur spécialiste de l'art moderne et contemporain. " Ehrmann ne réussira pas parce que Drouot S.A. n'est pas constitué d 'éléments dissociables. Evoquer la garantie, c'est évoquer un faux problème, car si les banques ne la fournissent pas, le commissaire-priseur peut se tourner vers une société d'assurances. " Ehrmann, comme beaucoup le pensent à Drouot, serait-il donc en train de faire un vulgaire coup de publicité sur le dos des commissaires-priseurs ? L'homme, il est vrai, a de quoi déboussoler l'une des plus vieilles professions du monde. Il habite un ancien relais du XVIè siècle, le Domaine des Sources, près de Lyon, qui abrite également Groupe Serveur, la banque de données économiques, judiciaires, juridiques, médicales et du marché de l'art, qu'il a créée en 1987. Agé de [40] ans, il est le fils unique d'une famille de la bonne bourgeoisie locale : son père, grand industriel, était membre de l'Opus Dei, son précepteur un Dominicain. Catholique pratiquant (comme son actionnaire minoritaire Bernard Arnault, patron de LVMH) mais membre depuis 20 ans de la Grande Loge nationale française, Ehrmann manie les paradoxes. Propriétaire de quelque 3000 pièces d'art contemporain, il se meuble en Haute époque. Riche - il détient 95 % du capital du Groupe Serveur évalué à [180 millions d'euros] -il cite allègrement saint Augustin et Marx. Groupe Serveur possède 13 filiales de par le monde, dont deux cotées en bourse, et emploie 450 personnes. Pour Artprice, à l'aide de 130 ordinateurs, Ehrmann et ses 90 employés lyonnais collectent, trient et mettent en ligne des informations de tout ordre. Artprice, leur service le plus récent, est spécialisé dans les prix d'adjudication d'œuvres d'art en vente publique. Les chiffres sont impressionnants : Artprice regroupe non seulement 260 000 biographies d'artistes (du IV siècle jusqu'à aujourd'hui) mais aussi quatre millions de résultats de vente (de 1700 à nos jours), auxquels viennent s'ajouter, chaque année, 500 000 adjudications et "invendus" supplémentaires. La base de cette masse d'informations est constituée de tous les guides de prix du monde (sauf The Art Sale Index, édité à Londres en cours de négociation) ainsi que des fonds biographiques. S'y ajoutent, chaque jour, des résultats de vente fournis par presque 3000 sociétés de ventes à travers le monde. Qui sont les 425 000 abonnés-clients qui, chaque mois, font quatre millions de demandes d'information ? Un tiers, selon Ehrmann sont des professionnels du marché. Viennent ensuite les amateurs, les historiens, le personnel des musées, les bureaux fiscaux, les banques et les compagnies d'assurances. Introduit en bourse en janvier 2000, Artprice a accusé le krach du "nouveau marché" : son action qui, valait 19,06€ au lancement, s'échange aujourd'hui à seulement 4 €. Une chute qu'Ehrmann attribue a celle du Nasdaq lui-même, mais qui ne l'empêche pas de planifier l'introduction en bourse du Groupe Serveur tout entier avant la fin de l'année. Groupe dont le logo, une salamandre, symbolise l'éternité, se plaît à rappeler Ehrmann. XAVIER NARBAÏTS