Comment voyez-vous
l'avenir d'Internet ?
Aujourd'hui on est dans la phase des dépôts de bilan.
Les start-up qui ont épuisé leurs ressources financières
payent les conséquences du e-krach. Après avoir arrosé
sans discernement ces start-up, les financiers font un véritable
blocage. Du coup, il y a des centaines de faillites, de fusions, de rachats…
Mais la deuxième vague d'Internet arrive très vite. Et cette
vague va être d'une violence inouïe !
L'origine de
cette vague ?
Les grands groupes de l'ancienne économie qui ont parfaitement
compris que la mort des start-up ne signifiait pas la mort d'Internet.
Au contraire. Aujourd'hui ces entreprises sont en train de lancer d'énormes
sites Internet avec des investissements colossaux.
Les secteurs
concernés ?
Tous les secteurs sans exception. Les chefs d'entreprise, les
conseils d'administration et les directions informatiques sortent enfin
la tête de l'eau ! Exemple : actuellement des géants
de la distribution comme Carrefour ou Casino investissent des sommes importantes
pour tester différentes formules. Mais ce phénomène
touche absolument tous les secteurs : nucléaire, métallurgie,
assurances, santé, banques…
Les patrons
étaient réticents jusqu'ici ?
Il y a même eu un mépris terrible de la part des
patrons de l'ancienne économie en France pour la nouvelle économie !
Pourquoi ce
mépris ?
Ces grands patrons n'ont pas senti le vent tourner. Et je crois
qu'ils ont été abusés par le phénomène
très artificiel des start-up. Du coup, ils n'ont pas compris que
l'Internet était incontournable. Alors que l'Insee affirme qu'en
2005, 70 % du PIB mondial sera lié aux nouvelles technologies !
Mais certains
patrons ont misé depuis longtemps sur Internet !
J'en connais peu qui ont osé se lancer comme Bernard Arnault
qui a investi sur le web des millions sur ses fonds personnels… Et qui
aujourd'hui lance Ze Bank, sa banque 100 % Internet ! Ce qui
exige un certain culot.
Les qualités
pour réussir sur Internet ?
L'Internet est une culture où on apprend tous les jours.
C'est pour ça que pour réussir sur l'Internet il ne faut
pas simplement être un as du business, il faut avoir une vision
plus large du monde, plus humaniste. Mais il faut aussi garder son bon
sens paysan !
C'est-à-dire ?
Moi je suis un pionnier de l'Internet. Avec quelques informaticiens
j'ai effectivement été un des premiers à me connecter
au web en France. Mais on avait derrière nous une vraie expérience
des réseaux électroniques et du "on-line" ! C'est-à-dire
du Minitel. D'ailleurs, tous les grands acteurs de la télématique
sont devenus des grands acteurs de l'Internet. Ce qui est logique.
Et vous, comment
vous voyez votre avenir ?
Quand je me suis lancé en 1987 mes banquiers me disaient
que l'Internet, c'était la ruine assurée, que je ferais
mieux d'investir mon argent ailleurs… Aujourd'hui mon groupe pèse
700 millions de francs avec un chiffre d'affaires de 500 millions
de francs et plus de 300 salariés.
Comment avez-vous
construit votre groupe ?
En étant un des premiers à conceptualiser les banques
de données en ligne. Mon métier c'est en fait de collecter,
d'organiser et de diffuser des données. Je produis des informations
primaires sur des marchés où j'essaie de conquérir
la première place. Exemple : Artprice qui est aujourd'hui
la première banque de données mondiale sur la cotation de
l'Art.
Pourquoi ce
choix de l'information ?
Parce que l'information, c'est la matière première
essentielle dans le système économique actuel.
L'intérêt
économique d'une banque de données ?
C'est un des systèmes économiques les plus rentables.
Car une banque de données est une source inépuisable d'informations
qui ne coûte pas cher en frais de structures, mais qui peut rapidement
devenir très rentable car si elle est pertinente, elle va créer
un besoin récurrent chez une clientèle qui va alors devenir
captive.
Vos perspectives ?
Devenir un acteur majeur sur ce créneau des banques de
données en m'imposant sur le créneau de l'information et
notamment sur certains marchés très spéciaux.
Des perspectives
chiffrées ?
Le Groupe Serveur mise sur un chiffre d'affaires de 1,5 à
1,8 milliard de francs en 2005. Pour ça, on va faire de la
croissance externe en se rapprochant d'autres sociétés qui
se préparaient à entrer en Bourse mais qui, vu le contexte
boursier, préfèrent nous rejoindre. Et quand on aura atteint
cette taille critique, on s'introduira au Premier Marché ou sur
l'Euronext unifié qui va naître en mai et qui réunira
les Bourses de Paris, d'Amsterdam et de Bruxelles. Avec un objectif :
lever entre 150 et 200 millions d'euros.
Les Français
peuvent vraiment jouer un rôle sur Internet ?
Il faut être réaliste. On a déjà perdu
la bataille des ordinateurs et celle des logiciels. Aujourd'hui, tous
les câbles qui vous relient au réseau sont américains.
Mais je suis convaincu qu'on peut remporter la bataille du contenu. Et
je compte bien continuer à jouer un rôle actif dans cette
bataille.
Etre basé
à Lyon, ce n'est pas un handicap ?
Au contraire ! L'Internet permet justement la décentralisation.
En plus, à Lyon, on est au cœur d'une région particulièrement
dynamique avec une trentaine d'entreprises internationales. Je pense même
que Lyon sera la future capitale du numérique et de l'Internet.
Propos
recueillis par Serge Barbet.
1. Selon le département
du commerce des Etats-Unis, 200 millions de gens dans le monde étaient
connectés à Internet l'année dernière. Et
on devrait atteindre le milliard d'internautes vers 2005.
2. Le "Village global".
Cette notion a été rendue célèbre par les
écrits du chercheur canadien Herbert Marshall Mac Luhan (1911-1980)
qui a notamment écrit "La galaxie Gütemberg" en 1962 ou encore
"Pour comprendre les médias" en 1977.
Voir le site www.mcluhan.toronto.edu/
Serge Barbet
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